Encore une journée qui s’achevait sur Hopeful. On approchait de la fin d’après-midi, mais certains cours avaient déjà fini. Heather faisait partie des professeurs à imposer des créneaux horaires parmi les plus longs à ses élèves, avec certains professeurs d’art dramatique. En effet, difficile de comprimer le temps que durait une pièce. Heather prenait le parti de donner des séances plus longues pour que ses élèves aient le temps de trouver une source d’inspiration et puissent la travailler tout le temps nécessaire. Il lui arrivait aussi parfois de rester plus tard que prévu si un élève le lui demandait pour finir son projet en cours, ou du moins une étape de ce projet, auquel cas elle acceptait bien volontiers, et fermait la classe juste après son départ.
C’était le cas ce soir, un de ses élèves de 5ème année travaillait sur un ambitieux projet de mosaïque, et il lui avait demandé de pouvoir rester un peu plus longtemps pour poser les derniers carreaux de la zone sur laquelle il travaillait. Il voulait devenir restaurateur d’art, et reproduisait une mosaïque romaine exposée à Londres, qu’Heather avait vue et revue un nombre incalculable de fois au cours de ses week-ends passés dans les musées. Puis, environ une heure après la fin théorique du cours, il remballa son matériel et sortit en saluant sa professeure, et Heather se retrouva seule dans sa salle.
L’unique inconvénient de rester tard à travailler, c’était qu’elle devait porter plus longtemps son vieux T-shirt de travail, certes pratique mais peu seyant. Elle préférait nettement une tenue de ville un peu plus raffinée pour évoluer hors de sa salle de cours, mais elle se refusait à emmener cette même tenue au contact de fusains, peintures et autres produits plus ou moins tâchants qu’on croisait dans un atelier d’artistes. Aussi, avant le début et à la fin de chaque demi-journée de cours, elle faisait un crochet par les WC pour se changer. Mais bon, à cette heure-ci, personne ne serait dans le coin, pas vrai ?
Heather attrapa le sac qu’elle emmenait en plus de son sac à main, et qui contenait entre autre son carton à dessin de moyen format, le grand restant chez elle quasiment tout le temps. Ce sac lui permettait donc à la fois de transporter son carton à dessin, mais aussi une partie de son matériel de travail et de ses notes de cours, mais surtout sa tenue de ville. Aujourd’hui, tenue simple, chemise rouge sombre et jean gris sombre, portés avec un
serre-taille en velours rouge et noir, et une chainette qui faisait des allers-retours dans les passants de ceinture de son jean. Avec un sourire, elle s’apprêta à retrouver ce qu’elle appelait « son apparence de galerie », par opposition à son « apparence d’atelier ». On ne se présentait pas de la même manière au vernissage d’une expo qu’en la préparant !
L’Anglaise retira son T-shirt, faisant voler ses longs cheveux roux derrière ses épaules, et le jeta négligemment sur son sac, récupérant au passage sa chemise et son serre-taille. Elle affectionnait particulièrement ces pièces de vêtement, qui mettaient en valeur ses formes tout en lui donnant une allure fine. Et c’était pour elle un excellent moyen de se motiver à faire attention à son alimentation, elle savait exactement quelle longueur de lacet était nécessaire pour lui donner une taille parfaite, et elle en voyait le moindre écart !
« Enfin bon, se disait-elle, ne portant encore que son jean de travail et un élégant soutien-gorge,
personne ne viendra par ici, à cette heure… »Comme elle avait tort !